Voitures autonomes : rétrospective de l'année 2018
En 2018, les attentes concernant les voitures autonomes étaient très élevées :
- Waymo, la filiale de Google, testait toujours ses véhicules et se préparait enfin à un lancement commercial dans la région de Phoenix.
- Uber continuait d'accumuler plusieurs millions de kilomètres de test pour ses voitures autonomes.
- Tesla proposait à la vente une fonctionnalité "Full self-driving" (Conduite complètement autonome) pour ses véhicules électriques. Plusieurs fois en 2016, le PDG de Tesla Elon Musk avait prédit que "la technologie serait prête dans environ 2 ans"
L'arrivée des voitures autonomes semblait donc plus proche que jamais. Mais une vague d'incidents et de mauvaises nouvelles ont mis à mal cette dynamique. En mars, Uber fut forcé de ralentir brutalement ses activités suite à la collision d'un de ses véhicules de test avec un piéton à Tempe, en Arizona. Le même mois, un client de Tesla perdit la vie au volant de sa Model X en conduite autonome. Malgré le fait que le système Autopilot de Tesla ait bien prévenu le conducteur (5 secondes et 150m avant l'impact, selon l'enquête et les logs du véhicule), cela n'empêcha pas cet accident de mettre à mal la réputation du constructeur. Il a également contribué à raviver l'inquiétude autour de la conduite sans chauffeur.
Waymo n'a de son côté témoigné d'aucun accident, mais le lancement de sa flotte commerciale appelée "Waymo One", fut une déception. L'entreprise revint sur ses promesses d'offrir un service complètement autonome et installa des chauffeurs derrière le volant. De plus, Waymo n'offre le service qu'aux personnes déjà inscrites à leur programme (fermé) de test. Ce lancement timide a soulevé des interrogations sur les réels progrès de l'entreprise.
Dans le monde de la voiture autonome, il y a eu beaucoup de discussions concernant le "hype cycle" : un modèle pour les nouvelles technologies qui a été développé par le cabinet de consulting Gartner. Dans ce modèle, les nouvelles technologies atteignent un «pic d'attentes exagérées» (à la manière à Internet vers 1999) avant de tomber dans un ("trough of disilusionment") «creux de désillusion». Ce n'est qu'après ces premières réactions excessives (d'abord trop optimistes, puis trop pessimistes) que les perceptions du public commencent à s'aligner sur la réalité.
Les voitures autonomes ont semblé atteindre ce "pic d'attente" fin 2017. En 2018, l'industrie a fait face au "creux de désillusion", certaines personnes présageant l'arrivée de la technologie dans plusieurs décennies.
En 2019, nous pourrions donc commencer à développer des attentes plus réalistes sur la voiture autonome.
Les géants en difficultés
Après la mort du piéton causée par une voiture autonome d'Uber, l'entreprise suspendit ses opérations de test pendant 9 mois. Elle revit ses plans à la baisse en retirant environ 100 "safety drivers" (les personnes chargées de rester au volant durant la conduite du véhicule) de la région de Phoenix, qui était auparavant leur zone de tests la plus intensive. L'entreprise décida également de ne pas renouveler ses autorisations de conduite en Californie.
Tesla n'a pas seulement eu à faire face à la mort d'un de ses clients. L'entreprise d'Elon Musk a subi d'autres mésaventures : ses voitures se sont plusieurs fois embouties sur des véhicules stationnés ou immobiles. En cause, le système Autopilot qui n'est pas conçu pour éviter les objets stationnaires lorsque la voiture se déplace à haute vitesse.
Les technologies de conduite autonome offertes par la plupart des autres constructeurs souffrent d'ailleurs des mêmes limitations. La différence réside dans le fait que seul Tesla vend sa technologie "Autopilot" comme étant très proche d'un système totalement autonome. Au moment où ces lignes sont écrites, la page de l'Autopilot en version anglaise affiche le message : "Full Self-Driving Hardware on All Cars" (cf. Capture d'écran ci-dessous).
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Fin 2016, Tesla proposait un "pack" de conduite autonome pour la somme de 3000$. Ce pack comprenait tous les équipements nécessaires à une conduite totalement autonome, même si l'entreprise avait bien précisé que la fonctionnalité n'était pas encore prête. Les clients ayant pris cette option à l'époque attendent maintenant depuis un peu plus de 2 ans. Tesla a d'ailleurs discrètement arrêté de proposer ce pack en option depuis Octobre 2018 : un aveu que la technologie est encore loin d'être achevée.
Où en est Waymo ?
Même avec les déboires de Tesla et Uber, les progrès de Waymo étaient attendus par le public. Google a totalisé plusieurs millions de kilomètres depuis quelques années. Au premier semestre 2018, Waymo avait commandé 82.000 véhicules sur les prochaines années, dont 62.000 Pacifica de Fiat-Chrysler. L'entreprise avait également commencé à embaucher agressivement du personnel. Tout semblait donc à croire que Waymo préparait un lancement en grandes pompes de son service de transport autonome.
Le lancement timide qui a eu lieu en décembre est venu contredire cette thèse. Comme dit plus haut dans l'article, il est possible que Waymo ait repoussé l'échéance de son lancement grand public et continue ses phases de test.
Un des grands concurrents de Google sur ce terrain est Cruise, une startup que General Motors a acquis en 2016. Leur communication est beaucoup plus discrète que les autres constructeurs. Pour cette raison, il est difficile de jauger et d'apprécier les progrès qu'ils ont réalisés.
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Quelques indices sur leurs avancées ont été dévoilés en mars 2018, comme l'article qu'a publié le journal The Information, dont voici un extrait :
Les véhicules autonomes testés à San Francisco sont toujours impliqués dans des accidents ou quasi accidents où une personne doit reprendre le contrôle pour éviter une collision… Les véhicules font souvent des embardées et sont hésitant. Parfois, ils ralentissent ou s'arrêtent s'ils voient un buisson sur le côté d'une rue ou un plot de signalisation, les prenant pour un objet dans leur chemin. Ce comportement trop prudent crée fréquemment des problèmes et des ralentissements pour les conducteurs classiques. Dans certains cas des accidents sont mêmes provoqués, même si le conducteur humain est légalement fautif.
L'entreprise maintient pourtant son cap de lancement commercial pour 2019. Au vu du retard vis-à-vis de ses concurrents, il serait surprenant que Cruise tienne ses engagements.
D'autres entreprises aussi en lice pour créer une flotte de taxis autonomes ont annoncé des deadlines moins ambitieuses. Par exemple Ford, via sa filiale Argo, a annoncé courant 2018 qu'ils développeraient un service de conduite autonome à Washington DC, en plus de leur choix de déploiement initial à Miami. Mais Argo précise que le service ne sera pas commercialisé avant 2021.
Zoox, une des startup qui a levé le plus de fonds (plus de 800 millions de dollars), prévoit de commercialiser son service d'ici 2020. Cependant, l'entreprise a évincé son PDG et co-fondateur Tim Kentley-Klay en Août 2018. Une décision qui ne rassure pas sur la viabilité de leur projet.
La startup Aurora n'a pas annoncé de date de lancement précise. Pour rappel, Aurora a été fondée par des anciens dirigeants et ingénieurs des projets de voitures autonomes de Google et Tesla. La startup a cependant rentré deux très gros clients début 2018 : Hyundai et Volkswagen. Le défi pour Aurora sera de continuer à innover sans être étouffé ou bridé par les "bureaucraties" de ses nouveaux partenaires.
En 2018, la seule entreprise qui a dépassé toutes les attentes est Aptiv, un fournisseur d'équipements automobiles anciennement connu sous le nom de Delphi. L'entreprise a lancé un service commercial à Las Vegas, en partenariat avec Lyft. Les clients peuvent utiliser l'application Lyft pour appeler une voiture sans chauffeur conçue par Aptiv.
Leur projet n'a pas bénéficié d'une grosse couverture médiatique, mais l'entreprise a pourtant déclaré avoir réalisé plus de 25.000 courses payantes, ce qui en fait un des services les plus utilisés dans l'industrie de la voiture autonome. Durant 2018, l'entreprise a développé son réseau à Las Vegas pour proposer environ 1600 points de prise en charge.
D'autres services plus spécialisés
Les entreprises évoquées jusqu'ici (mis à part Tesla) se concentrent sur des services "taxi" de transport à la demande à usage général. Mais certaines startups se développent en lançant des services de transport, de navette ou de livraison plus limités. Bien que la plupart de ces services requièrent la présence d'un "safety driver", ils sont déjà en place et bien intégrés dans certaines structures. Ces services étant limités à des vitesses basses, les questions de sécurité sont beaucoup plus faciles à gérer.
Nuro, une startup créée par 2 anciens vétérans du projet Google Car, conçoit des petits véhicules de livraison entièrement autonomes. Les véhicules sont faits pour opérer sur toutes les routes et n'ont même pas de place pour accueillir un conducteur. En 2018, ils ont conclu un deal avec Kroger, un géant de la grande distribution. En décembre dernier, ils ont commencé à effectuer des livraisons de courses entièrement automatisées auprès de leurs clients, grâce à leur véhicule autonome baptisé R1.
https://www.youtube.com/watch?v=XKXbacNQGI8
Commencer petit...
D'autres startups comme Drive.ai ou Voyage proposent des services de "navette" autonome dans des villes des Etats-Unis.
Toutes ces plus petites startups ne bénéficient pas des moyens financiers colossaux de Waymo, Tesla, Uber ou Cruise. Elles ont du donc trouver un business model leur permettant de générer du revenu plus rapidement. Elles se sont spécialisées sur des services de transport limités géographiquement, à faible vitesse et faible risque.
Leur pari étant que cet environnement plus "simple" leur permettra d'assurer rapidement un service 100% autonome et donc de dégager des profits. Tout cela sans attendre d'enregistrer plusieurs millions de kilomètres de données à la manière des géants du secteur.
